Baby boom
Les deux tourtereaux avaient pas perdu leur temps : à peine mariés, les voilà déjà qui attendaient un bébé. Ma dixième génération était en route ...
Pauline obtint son cinquantième rendez-vous et mit ainsi fin à notre calvaire de voir quotidiennement des PNJ se balader dans la maison et faire comme chez mémé : j'entends par là s'inviter dans le jacuzzi, piquer la bouffe, squatter le piano, la télé ou le billard. Et Marguerite, malgré tout ce défilé de chair fraîche, n'avait rien eu à se mettre sous les crocs : les PNJ étaient comme des rats flairant le poison et se transmettant l'info. Plus aucun ne se faisait avoir.
Marina fêta son anniversaire à grand renfort d'encouragements.
Waouh! En quelques secondes, elle était passée de militaire sexy à grand-mère précoce. L'assemblée en avait eu le souffle coupé. Sauf Sibille, qui voyait pas le problème, et Mélanie, qui n'avait d'yeux que pour Guillaume.
Le lendemain, Sibille eut la terrible idée d'accoucher de jumelles. La baraque était déjà pleine à craquer et j'avais peur qu'un jour, l'une ou l'autre soit obligée de la quitter, faute de place. M'enfin, on en était pas encore là. Pour l'instant, Alicia et Kalinda n'aspiraient qu'à être nourries et dorlotées.
Je me demandai ce qu'Arthur faisait en plein milieu du jardin quand la Mort vint le faucher. Ce qui était sûr en tout cas, c'est qu'il taillait pas la haie.
Le décès de son père affecta moins Guillaume que celui de Mathieu. Au contraire, le jeune homme nageait dans le bonheur : il avait enfin été promu directeur de l'ACRSC et, de fait, réalisé son désir à long terme.
Les petites grandirent et atteignirent le stade critique de bambines.
Mais, à mon grand étonnement, ce fut beaucoup moins insupportable pour ce qui me restait d'oreilles que ce que j'aurais cru. Les petites étaient sages, sûrement parce que leurs parents, carburant à l'Energiseur, ne les quittaient jamais des yeux.
Je ne m'étonnerais pas que vos yeux d'experts aient remarqué la nouvelle tenue de travail de Pauline. Figurez-vous que celle-ci avait une nouvelle lubie : devenir pique-assiette professionnelle. Ça lui venait même pas à l'idée qu'elle l'était déjà, pique-assiette : c'était pas l'argent qu'elle rapportait qui remplissait le frigo.
Elle prit également la bonne résolution de maigrir. Le temps d'écouler toute sa graisse, elle avait obtenu tous les points de la compétence physique.
Mais le résultat fut au rendez-vous : Pauline n'avait jamais été aussi mince!
Pendant ce temps, Guillaume et Sibille trimaient sang et eau pour maintenir la baraque à flots. C'était comme s'ils n'avaient pas deux, mais trois enfants à charge, vu que Pauline passait son temps à s'amuser.
Une fois leur éducation terminée, les jumelles grandirent. Ouf! Les parents allaient enfin pouvoir souffler. Non, pas les bougies Sylvestre, mais souffler tout court.
Qu'est-ce que je vous disais! Les pauvres vieux étaient à bout de nerfs. Sibille fondit littéralement en larmes en se rappelant les cafards qui traînaient dehors, après que Mélanie Lenoir ait pour la énième fois renversé la poubelle.
Vous vous demandez sans doute où était passé Marina : eh bien la petite avait décidé de déménager et de louer un appart' à la résidence Bellevue.
Son frère, Sibille et ses nièces allaient régulièrement lui rendre visite.
Et parfois, elle gardait les petites histoire que les parents aient la paix.
A part ça, quelle ne fut la surprise de Guillaume, un beau matin en sortant la poubelle, en trouvant sur le perron Laura, la fille de Loïc, suivie de près par l'assistante sociale.
"C'est quoi, ce bin's???" demanda-t-il, horrifié.
Tout s'expliqua très vite : Pauline, qui avait fait le tour de l'arbre généalogique familial, avait trouvé très triste que des enfants de sa famille vivent dans la misère alors qu'il y avait encore des chambres libres à la maison, et avait décidé de les adopter. Elle était donc officiellement devenue la mère adoptive de Laura ...
... et de Nicolas. Maxime avait déjà été adopté mais de toute manière, la baraque affichait complet. C'était à présent une certitude : tout ce beau - quoique n'oublions pas qu'il s'agissait de la progéniture de Loïc -monde ne pourrait pas vivre éternellement là, certains seraient obligés de s'en aller.
En attendant, on aurait dit que Pauline avait été enlevée par des ET et remplacée par une version beaucoup plus mature et responsable d'elle-même. Non seulement elle avait veillait à ce que les devoirs soient faits ...
... mais elle s'assurait également que les petites soient sages, et tant qu'à faire, glanent quelques points de compétence ...
... et, enfin, elle organisa une rencontre avec le directeur de l'école privée de Rivazur afin d'y obtenir des places.
Celui-ci visita pour la énième fois la maison, dégusta son homard thermidor et déclara que les filles pourraient intégrer son école. Ça ressemblait plus à un pot-de-vin qu'à autre chose, cette histoire.
Nicolas grandit et - ça n'étonnera personne - s'avéra être moche. Comme son père, avant que la chirurgie esthétique ne vienne à la rescousse. De ce fait, je les appellerai désormais respectivement, sa soeur et lui, catastrophe génétique numéro un et deux.
Catastrophe génétique numéro un fêta son anniversaire.
Elle se fit un look de rebelle à dix simoléons pour coller avec sa tenue de rockeuse. Mais, bonne nouvelle, elle tenait physiquement plus de sa (vraie) mère que de son père. Je commençais à croire, au bout de dix générations, que la mocheté dans cette famille n'était un gène dominant que chez les hommes.
De son côté, Marina était tombée enceinte d'un musicien dont j'avais oublié le nom. Fred? Quentin? Rudy? Peu importait.
"Waouh! Il est bien rond ce ventre! s'exclama Sibille, un jour où Marina lui rendait visite. Attends-toi à peut-être avoir des jumeaux, toi aussi", ajouta-t-elle, toute excitée. Fallait espérer que non, vu le salaire minable du futur père accordeur de piano. Avec, en plus, le congé maternité de Marina, ils auraient à peine de quoi payer le loyer de leur minuscule appart' cette semaine.